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Les Deux Drapeaux, à-propos en vers

Dernière mise à jour : 31 mars 2018


S'il est surtout connu pour ses romans, Danrit s'est aussi essayé au théâtre et à la poésie.

C'est le cas en particulier dans son oeuvre "Les Deux Drapeaux". Cet à-propos en vers fut écrit et représenté pour la première fois, au Théâtre des Zouaves, à l'occasion de la Fête du 4e Zouaves, le 24 juin 1898, alors que Driant y était chef de bataillon.


Dans cette émouvante pièce, le commandant Driant met en scène la rencontre d'un jeune zouave avec un vieux sergent des zouaves de la Garde, alors qu'on s'apprête à dévoiler le drapeau reconstitué des zouaves de la Garde.

Ce thème est cher à Driant puisqu'il a lui-même directement contribué à la reconstitution de ce drapeau, en qualité de secrétaire et rapporteur de la commission chargée de cette mission.


Histoire du drapeau des zouaves de la Garde

Alors que depuis la chute de Sedan, le 2 septembre 1870, il représente le dernier espoir du camp français, le Maréchal Bazaine renonce à poursuivre le combat et capitule. Le 28 octobre, il prescrit à tous les chefs de corps "de faire porter le lendemain à l'Arsenal de Metz leur drapeau ou étendard et d'en faire la remise au directeur de cet établissement qui est chargé de les brûler". Au régiment des zouaves de la Garde impériale, l'émotion est à son comble et nul ne se résout à cette extrémité. Alors que le colonel Giraud s'apprête à exécuter l'ordre, les officiers se font les porte-voix du régiment entier pour s'offusquer et s'opposer à cette mesure. Tous, pour sauver leur honneur, s'écrient d'une seule voix: "Nous faire tuer tous plutôt que de rendre notre Drapeau!". Après des pourparlers et de véhéments conciliabules, tous finissent par se rallier à l'idée que si le drapeau ne doit être porté à l'arsenal que pour y être détruit, nuls ne méritent plus l'honneur d'accomplir cette mission douloureuse que ceux auxquels la garde en a été confiée. Commence alors l'immolation: l'aigle est dévissé; le pied sur lequel sont gravées les initiales du régiment est martelé et enterré; la cravate est répartie entre le colonel et les officiers supérieurs; la soie est mis en pièce et les morceaux distribués comme des reliques aux officiers présents. Le lendemain, le régiment entre à Metz pour être dissous.

Le même jour, le régiment de zouaves de marche, formé avec des détachements des trois premiers régiments de zouaves, devient le 4e régiment de zouaves. Il se considèrera dès lors comme l'héritier du régiment de zouaves de la Garde Impériale.


Histoire d'une reconstitution


Emile Driant sera à plusieurs reprises affecté au 4e régiment de zouaves à Tunis. En 1891, alors qu'il y est capitaine, le colonel Jeannerod - que Danrit mettra en scène dans La Guerre Fatale - publie la décision suivante: "Il résulte de renseignements parvenus au colonel qu'il est possible d'espérer reconstituer en partie le drapeau du régiment des zouaves de la Garde impériale dont le régiment est issu. Une commission est instituée sous la présidence du colonel pour rechercher les lambeaux de ce drapeau qui a été déchiré et partagé entre les officiers et les zouaves du régiment en 1870, au lendemain du désastre de Metz. Les noms de ceux qui feront parvenir à la commission quelques unes de ces reliques seront conservés au Livre d'or du régiment déposé dans la salle d'honneur". Driant est nommé rapporteur de cette commission; son zèle sera remarqué et salué par le colonel Jeannerod dans son Ordre du 1er mars 1894: "Le 28 octobre 1870, à Metz, le drapeau du régiment des zouaves de la Garde était déchiré et partagé entre les officiers et les zouaves. Le même jour, 28 octobre 1870, le 4e zouaves était formé à Paris avec le dépôt des zouaves de la Garde qui devaient rejoindre plus tard, à leur rentrée de captivité, les restes de cet illustre régiment. A Champigny et à Montretout, sous Paris, en vingt rencontres différentes pendant l'insurrection de 1871 en Algérie, le sang des zouaves du 4e a été mêlé à ceux des zouaves de la Garde. Le drapeau des uns était bien celui des autres. Le jeune régiment s'était partout montré digne de ses pères. L'honneur de ressusciter leur drapeau lui appartenait. En 1891, cette oeuvre patriotique a été entreprise; elle est aujourd'hui terminée. Après de longues recherches, dans lesquelles M. le capitaine Driant, Secrétaire de la Commission, s'est acquis par la persévérance de ses efforts un véritable titre à nos remerciements, cinquante-cinq fragments du drapeau ont été reçus de vingt-six donateurs. Ces précieuses reliques ont été religieusement rassemblées dans un cadre digne d'elles, où on lit avec fierté à côté de la désignation du régiment les noms glorieux de Sébastopol, Magenta, Solférino. Saluons ces chers débris d'un drapeau qui a inspiré tant de dévouements, tant de sacrifices et dont le prix sera toujours au-dessus du sang qui a été versé pour lui. Respect à ceux qui nous l'ont conservé et merci aux coeurs généreux qui ont, pendant vingt ans, gardé ces précieuses reliques pour les rendre à la famille militaire."


C'est cette présentation du drapeau reconstitué que Driant met en scène, quelques années après, alors qu'il est de retour au 4e zouaves en tant que chef de bataillon, dans Les Deux Drapeaux, en imaginant la rencontre émouvante entre le vieux zouave de la Garde et le jeune zouave. Au dénouement de la pièce, le vieux zouave ajoute au tableau un fragment manquant sur lequel est inscrit le nom d'Iéna. Les deux zouaves saluent alors tous deux le Drapeau:


Salut à toi, drapeau sacré

Qui jadis sur les capitales,

Au son des marches triomphales,

Flottais dans le ciel empourpré!


Salut à toi, drapeau de gloire,

Drapeau d'Austerlitz, d'Iéna,

Devant qui souvent s'inclina

Le front du Géant de l'Histoire!


Salut à toi, drapeau de deuil

De Saint-Privat, de Gravelotte,

Dont la soie encore sanglote,

Deux fois plus cher à notre orgueil!


Salut à toi, drapeau des Braves,

Drapeau mouillé de tant de pleurs!


Drapeau de France aux trois couleurs,

Salut à toi, drapeau des Zouaves!



La représentation - dont nous présentons une photo originale ci-dessus - était donnée par les zouaves du 4e eux-mêmes. Driant le racontait, non sans humour, dans une causerie à ses Chasseurs du 1er BCP (Le Drapeau, 8 décembre 1900), quelques années plus tard: "en Tunisie il y avait le Théâtre des Zouaves ; les acteurs y jouaient avec leurs fusils et leurs cartouchières et quelque fois au milieu de la représentation, le clairon sonnait, obligeant les acteurs et les actrices, car les Zouaves se déguisaient très bien en actrices, à courir aux tranchées en abandonnant la pièce." C'étaient de véritables fêtes qui étaient organisées au Régiment, comme l'exprime le jeune zouave dans la pièce:

"On s'est bien diverti

Fête de jour, lutteurs, dompteurs, femme sauvage;

Fête de nuit avec Chat Noir et travesti,

Jeux, cyclisme, concert, choeurs, escrime et gymnase,

Oui, vraiment, le programme était bien assorti."

Et lorsque le clou du spectacle est une pièce émouvante écrite par le chef de bataillon, la fête n'en est que plus enthousiasmante! Danrit avait à coeur d'y apporter sa contribution.


Le texte de la pièce, jouée le 24 juin 1898, a connu deux éditions: l'une à Tunis, par l'Imprimerie rapide (Louis Nicolas et Cie), l'autre à Niort par H.Boulord, Libraire-Editeur.

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